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Profil - Femmes en colère

Posté par Brol le 12/03/2023 pour le secteur LIRE
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[Epitomé]

Cour d’assises de Rennes, juin 2020, fin des débats : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon. Elle est accusée d’un crime barbare, qu’elle a avoué, et pourtant c’est elle qui réclame justice. Dans cette affaire de vengeance, médiatisée à outrance, trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher : avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau ? Neuf hommes et femmes en colère doivent choisir entre punition et pardon.
Au cœur des questions de société contemporaines, un suspense haletant porté par une écriture au scalpel.

[Avis]

Un roman dans la lignée #MeToo #Balancetonporc et qui nous pousse à nous poser les bonnes questions qui sont soulevées dans pas mal de citations. Ce roman, je l’ai trouvé violent, incisif et surtout profondément implacable. Implacable dans le fait où notre société patriarcale parvient à faire passer une victime en tant que bourreau. Certes, il y a une vendetta avec un effet : "brise ma vie et la tienne sera brisée en retour". L’auteur parvient à nous faire poser des questions vis à vis de notre rapport aux femmes, du moins de mon point de vue de lecteur. Aurais-je accepté d’être violée, abusée si j’avais été une femme ? Je ne le pense pas. Carrément non en fait. Aurais-je aimé être entendue et écoutée si j’avais été une femme ? Je le pense. c'est carrément certain. La vie est donc un combat quotidien et bon nombre finissent par crouler sous les coups.

Ce que j’ai fortement aimé est cette représentation des jurés. Entre cette solidarité féminine qui tente à tout prix d’éviter les coups. Les oppositions qui tentent sans faire trop de parti-pris de rester cohérent dans leurs jugements. Plusieurs femmes, plusieurs pans de représentations du monde , mais aussi des personnages masculins, dont un incel remettant tout en cause, niant le viol, niant l’intégrité de la victime poussant le vice jusqu’à dire qu’elle l’aurait cherché. Tout le juré est littéralement une figuration sociétale actuelle, et l’auteur parvient à tirer son épingle du jeu, car il nous offre cette manière d’être aussi un juré, d’être là et d’assister à tout, mais sans pouvoir prendre la parole, sans être écouté. Les femmes restent sous le joug des hommes. Parce qu’au fond, une femme ne se remet jamais vraiment d’un viol, tout comme les parents ne se remettent jamais de la mort d’un enfant.

Nous nous retrouvons face à un roman qui nous met face au ressenti d’une femme de notre époque, celle qui malgré la libération de la parole reste toujours enchaînée par les hommes et revient à la question : devons nous, face à un viol, tenter de pardonner les faits et les conséquences liées ou bien de les condamner au nom de la loi, car une femme violée a t’elle le droit de faire justice soi-même si elle ne se sent pas écoutée par la Loi ? Large question.

[Citations]

Cette femme n’a été entendue et jugée que par des hommes. A-t-elle été écoutée ?

Je ne devrais pas écrire ces mots. Je ne retiens donc aucune leçon ! Pourtant c’est clair : avouer aimer le sexe , pour une femme, en 2020, malgré tous les Weinstein, les Polanski, et les #MeToo du monde, c’est toujours s’exposer à être considérée comme une putain une traînée, une salope, une allumeuse et toute la litanie de qualificatifs imagés écrits par des hommes. Avouer aimer le sexe, pour une femme, ce n’est pas anodin. Il suffit de constater le choix des mots. Sans en avoir conscience, je viens d’écrire avouer, pas affirmer , ni revendiquer. Même aujourd’hui, aimer le sexe, pour une femme, relève encore du vice, pour une grande partie de la population. C’est un crime, une honte, une tare à dissimuler, un défaut qu’il convient d’avouer, donc, car faute avouée est à moitié pardonnée. Une femme a le droit d’apprécier de faire l’amour avec son compagnon. Mais aimer le sexe, le revendiquer, s’envoyer en l’air avec un parfait inconnu, juste parce qu’il est attirant , ou avec un type qu’on connaît, juste parce qu’on en a envie là tout de suite, pas question de le crier sur les toits. Il convient de l’avouer en le murmurant derrière le moucharabieh d’un confessionnal. Il s’agit d’une maladie. Comme les homosexuels jadis, qu’il fallait soigner ou exorciser, les femmes qui avouent aimer le sexe relèvent de la pathologie. Je ne connais pas d’équivalent à nymphomane pour un homme. Un Don Juan, c’est chic. Casanova idem.

Elle a quand même dit qu’elle avait envie de sexe, elle avait rendez-vous, comment est-ce qu’elle peut dire qu’elle a été violée ? Moi je pense que c’est à force de toutes ses saloperies de balance ton porc et de #MeToo qu’elle s’est fait un film complet. Et que si nous les jurés on laisse faire en disant "Non mais la pauvre il fallait bien qu’elle se défende", eh bien, nous les hommes, on n’aura plus qu’à rester chez nous si on veut rester entiers !

Le viol nous brise de l’intérieur. Certains pays l’on tellement intégré qu’ils le pratiquent comme arme de guerre.

À peine une femme violée sur dix porte plainte. Les agresseurs peuvent poursuivre leur chemin, tranquilles. Avant de venir ici, je me suis posé la question. Suis-je légitime à venir délibérer ? J’ai regardé les chiffres. Savez-vous que 12 % des femmes en France déclarent avoir été victimes au moins une fois d’un viol au cours de leur vie* ? Je dis bien d’un viol, d’un acte de pénétration avec violence, menace, contrainte ou surprise.

Ce n’est peut-être pas de la légitime défense, comme vous nous la décrivez dans les textes de loi, mais c’est un acte de légitime défense dans ce monde où les femmes ne sont pas écoutées quand elles crient, quand elles sont battues, quand elles sont violées. Le jour où les hommes et les femmes seront à armes égales, ce jour-là et ce jour-là seulement, bien sûr, il faudra la condamner.

Etre une victime honorable, pleurer, accepter d’être examinée par un collègue gynécologue, encore souillée, parce que c’est la seule façon de faire reconnaître la parole d’une femme, puis répondre aux questions tendancieuses sous-entendant par ici ou par là que je les avais un peu provoqués, quand même, non, ces deux hommes ?

’C’est cadeau.’ Il m’a dit ça, en souriant, puis il m’a prise par la taille. J’ai rétorqué sèchement qu’un fantasme est une façon de s’exciter, de se stimuler, mais ça ne signifie pas qu’on le désire réellement.

Tous les garçons se sont posés la question au moins une fois depuis #MeToo. Ai-je franchi la ligne rouge un jour ? J’ai été lourd, insistant, mais ai-je une fois dérapé et suis-je demeuré sourd à l’absence de consentement ?

Je crois que je n’en pouvais plus de me dire que toujours ils demeureraient impunis, intouchables, tout ça parce qu’ils sont dotés d’un pénis et d’une paire de testicules.

[Références]

Femmes en colère. Mathieu Menegaux. Littérature française. Polar. Editions : Le Livre de Poche. 2022. 192 pages. ISBN : 9782253107347. Prix : 7,20.

4 commentaires
Instrument
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Juste une pensée pragmatique...Une femme (ou un homme) a un espoir, une force de vie ,même au plus profond du désespoir il est possible "de renaître " après l'horreur d'un viol, mais jamais un enfant décédé ne revient à la vie .Et oui ! Je suis choquée par cette comparaison plus que malheureuse :(
Instrument
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Cette "comparaison" est vue, depuis mon prisme personnel, comme la perte de fragments de soi. Dans les deux cas, ce sont des morceaux de soi que l'on perd, qui éclatent. Car, je perçois les deux comme une violence assez forte pour briser des pièces de son être à tout jamais. Mais je ne suis nullement psychologue.

Il va sans dire qu'il n'était nullement fait que cet avis soit rédigé pour choquer qui que ce soit. D'ailleurs, ce livre a été dans le prix des Lecteurs de l'année 2022 dont j'ai fait partie et il a mitigé l'opinion des lectrices qui étaient divisées entre le fait d'être d'accord avec l'auteur et le fait de ne pas l'être. Vaste débat.
Accessoire
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Cet article me donne envie de lire le livre.
(je ne sais pas trop comment j'ai fait pour passer à côté d'ailleurs... )
Truc
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*Arrive essoufflée*

Tu me donnes encore plus envie de le lire, Moleskine. Comme il va me donner des sueurs froides, je me le réserve pour cet été ;)
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