Profil - Partie de chasse entre lâches
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📚 [Epitomé]
"C’est la Saint-Valentin sur l’île de Terre-Neuve, dans le nord du Canada. Les blizzards sont le quotidien des insulaires, mais celui qui menace aujourd’hui est d’une violence rare. À l’intérieur du restaurant Hazel, c’est une autre tempête qui se prépare. Iris, jeune serveuse, redoute de croiser le regard de son chef à l’emprise malsaine, son collègue Damian cache sa nuit de défonce comme il peut tandis qu’Olive, qui ne devrait pas être là, cherche un peu de chaleur. Tous sont sur le fil, près d’exploser, et entre deux coupures de courant, la vérité pourrait poindre et tout écraser sur son passage.
Avec ce roman choral qui interroge non sans férocité la masculinité toxique et la difficile intégration au sein d’une communauté fermée."
😺 [Mon avis]
Voici un premier roman que j’ai trouvé fort prometteur. Tout a commencé par l’endroit. Un endroit isolé, coupé un peu du monde, mais ce qui le différencie des autres histoires où l’on trouve un lieu isolé vient tout simplement que le genre du livre n’est pas horrifique. Non. Ici en dehors du décor retiré, on peut clairement y voir un retrait mental. Un ostracisme prégnant. Aussi prégnant qu’une chape de plomb. Un blizzard qui arrive en ville. Un blizzard anesthésiant et somnolent. C’est d’ailleurs dans ce blizzard froid, sec et mordant que la vie des femmes se joue. Des femmes outrées, abusées, désabusées, maltraitées. Des femmes livrées à elles-mêmes sous un joug de patriarcat autoritaire. Des hommes inconstants, infidèles. Des hommes qui ont toujours fait comme ça, car c’est comme ça.
J’ai vraiment beaucoup aimé. C’est une écriture assez magistrale. Le message de l’autrice est profond. Une lecture féministe avec des passages d’une violence incroyable. Une violence incroyable que l’on retrouve un peu partout dans tous les pays, toutes les villes, tous les quartiers. Car oui, le message de l’autrice est on ne peut plus clair. Les femmes sont toujours reléguées à n’être que des choses aux services des hommes. Des femmes trompées, abusées, violées et tourmentées par des hommes incapables de se remettre en question. Que cela soit dans des coins perdus ou dans des grands lieux. Le patriarcat blanc hétérosexuel bien ancré.
Les personnages qui composent l’histoire sont toujours névrosés, traumatisés, malmenés. Pourtant, l’autrice parvient à dépeindre des personnages qui traversent la vie comme si la vie s’était déjà arrêtée. J’ai éprouvé assez bien d’empathie pour les personnages féminins qui s’accrochent à l’énergie du désespoir à un futur qui semble ne pas exister à leurs yeux. Attendre qu’une main salvatrice vienne à leur secours, mais cette aide est surtout celle d’un bourreau. Les humiliations ne font que de se répéter sous des vaines promesses. L’insupportable attente de choses ne viendront jamais. Des manipulations chimériques et des coups dans l’eau.
C’est un marasme dans lequel un profond sentiment de déréliction couvre les épaules de chaque habitant. Les femmes en sont nettement plus atteintes. Pour ne pas être atteint, les hommes abusent des femmes. Un cycle infernal et sans fin. Certains personnages inspirent le plus profond des dégoûts et d’autres l’empathie. Et tous se mélangent, se côtoient, s’accrochent et se télescopent dans ce blizzard qui ne fait qu’augmenter. Et un jour tout se fissure dans les pertes et les fracas.
📑 [Citations]
✒️ "Ce sont les rafales qui nous font dévier de notre chemin davantage que les grands vents. On peut s’adapter, planifier, endurer la persistance des vents incessants. En revanche, l’imprédictibilité des rafales ne vaut pas la peine d’être vécue. Les rafales agressives viennent tout déglinguer. C’est en quelque sorte du terrorisme. L’aspect le plus brutal de l’affaire, c’est que pendant un instant, le vent fait relâche, suffisamment longtemps pour nous inviter à fabriquer à nouveau un peu d’espoir".
✒️ "Les arrogants sont arrogants pour une raison : ils s’exercent en toute impunité."
✒️ "Pour lui, la notion de temporalité se limite au laps de temps qui sépare une feuille de salaire de la prochaine."
✒️ "Je ne peux vous autoriser à lui parler ainsi. Un frisson d’espoir parcourt Iris. Peut-être qu’il l’aime vraiment selon toute probabilité. Mais ce que John veut dire est "Je suis le seul homme habilité à lui parler de la sorte.""
✒️ "Depuis la solitude pousse Olive à s’attacher aux mauvaises personnes."
✒️ "Les personnes gentilles sont promptes à partir quand elles finissent par reconnaitre qu’elles se sont fait avoir."
🔍 [Références]
Partie de chasse entre lâches. Megan Gail Coles. Edition Denoêl. 2023. 512 pages. Format broché. ISBN : 9782207159019. Prix : 24 euros.
🔖 [Catégories]
Littérature québécoise. Féminisme. Premier roman. Endroit isolé. Patriarcat.
📌 [Crédit photo]
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