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Profil - Partie de chasse entre lâches

Posté par Brol le 21/05/2023 pour le secteur LIRE
🌍 Article public ⸱ 138 lecteurs récemment



📚 [Epitomé]

"C’est la Saint-Valentin sur l’île de Terre-Neuve, dans le nord du Canada. Les blizzards sont le quotidien des insulaires, mais celui qui menace aujourd’hui est d’une violence rare. À l’intérieur du restaurant Hazel, c’est une autre tempête qui se prépare. Iris, jeune serveuse, redoute de croiser le regard de son chef à l’emprise malsaine, son collègue Damian cache sa nuit de défonce comme il peut tandis qu’Olive, qui ne devrait pas être là, cherche un peu de chaleur. Tous sont sur le fil, près d’exploser, et entre deux coupures de courant, la vérité pourrait poindre et tout écraser sur son passage.
Avec ce roman choral qui interroge non sans férocité la masculinité toxique et la difficile intégration au sein d’une communauté fermée.
"

😺 [Mon avis]

Voici un premier roman que j’ai trouvé fort prometteur. Tout a commencé par l’endroit. Un endroit isolé, coupé un peu du monde, mais ce qui le différencie des autres histoires où l’on trouve un lieu isolé vient tout simplement que le genre du livre n’est pas horrifique. Non. Ici en dehors du décor retiré, on peut clairement y voir un retrait mental. Un ostracisme prégnant. Aussi prégnant qu’une chape de plomb. Un blizzard qui arrive en ville. Un blizzard anesthésiant et somnolent. C’est d’ailleurs dans ce blizzard froid, sec et mordant que la vie des femmes se joue. Des femmes outrées, abusées, désabusées, maltraitées. Des femmes livrées à elles-mêmes sous un joug de patriarcat autoritaire. Des hommes inconstants, infidèles. Des hommes qui ont toujours fait comme ça, car c’est comme ça.

J’ai vraiment beaucoup aimé. C’est une écriture assez magistrale. Le message de l’autrice est profond. Une lecture féministe avec des passages d’une violence incroyable. Une violence incroyable que l’on retrouve un peu partout dans tous les pays, toutes les villes, tous les quartiers. Car oui, le message de l’autrice est on ne peut plus clair. Les femmes sont toujours reléguées à n’être que des choses aux services des hommes. Des femmes trompées, abusées, violées et tourmentées par des hommes incapables de se remettre en question. Que cela soit dans des coins perdus ou dans des grands lieux. Le patriarcat blanc hétérosexuel bien ancré.

Les personnages qui composent l’histoire sont toujours névrosés, traumatisés, malmenés. Pourtant, l’autrice parvient à dépeindre des personnages qui traversent la vie comme si la vie s’était déjà arrêtée. J’ai éprouvé assez bien d’empathie pour les personnages féminins qui s’accrochent à l’énergie du désespoir à un futur qui semble ne pas exister à leurs yeux. Attendre qu’une main salvatrice vienne à leur secours, mais cette aide est surtout celle d’un bourreau. Les humiliations ne font que de se répéter sous des vaines promesses. L’insupportable attente de choses ne viendront jamais. Des manipulations chimériques et des coups dans l’eau.

C’est un marasme dans lequel un profond sentiment de déréliction couvre les épaules de chaque habitant. Les femmes en sont nettement plus atteintes. Pour ne pas être atteint, les hommes abusent des femmes. Un cycle infernal et sans fin. Certains personnages inspirent le plus profond des dégoûts et d’autres l’empathie. Et tous se mélangent, se côtoient, s’accrochent et se télescopent dans ce blizzard qui ne fait qu’augmenter. Et un jour tout se fissure dans les pertes et les fracas.

📑 [Citations]

✒️ "Ce sont les rafales qui nous font dévier de notre chemin davantage que les grands vents. On peut s’adapter, planifier, endurer la persistance des vents incessants. En revanche, l’imprédictibilité des rafales ne vaut pas la peine d’être vécue. Les rafales agressives viennent tout déglinguer. C’est en quelque sorte du terrorisme. L’aspect le plus brutal de l’affaire, c’est que pendant un instant, le vent fait relâche, suffisamment longtemps pour nous inviter à fabriquer à nouveau un peu d’espoir".

✒️ "Les arrogants sont arrogants pour une raison : ils s’exercent en toute impunité."

✒️ "Pour lui, la notion de temporalité se limite au laps de temps qui sépare une feuille de salaire de la prochaine."

✒️ "Je ne peux vous autoriser à lui parler ainsi. Un frisson d’espoir parcourt Iris. Peut-être qu’il l’aime vraiment selon toute probabilité. Mais ce que John veut dire est "Je suis le seul homme habilité à lui parler de la sorte.""

✒️ "Depuis la solitude pousse Olive à s’attacher aux mauvaises personnes."

✒️ "Les personnes gentilles sont promptes à partir quand elles finissent par reconnaitre qu’elles se sont fait avoir."

🔍 [Références]

Partie de chasse entre lâches. Megan Gail Coles. Edition Denoêl. 2023. 512 pages. Format broché. ISBN : 9782207159019. Prix : 24 euros.

🔖 [Catégories]

Littérature québécoise. Féminisme. Premier roman. Endroit isolé. Patriarcat.


📌 [Crédit photo]
© Archipel des mots

13 commentaires
Artifice
()
Je ne connais pas ce livre mais le sujet est très tentant. Les citations résonnent et ont une certaine profondeur. Je me laisserais bien tenter. Le sujet est effectivement universel, des femmes blessées, on en trouve partout et à toutes les époques. Des hommes toxiques également. Peux-tu me dire s'il y a quand une certaine nuance? On ne tombe pas dans la généralité de "tous les hommes se valent et sont bln à jeter"?
Machin
()
Alors, l'autrice cible la masculinité toxique qui dans le roman s'axe vers :

- Les hommes de pouvoir qui abusent de celui-ci.
- Les hommes engagés dans une relation et qui trompent leurs partenaires.
- Les hommes manipulateurs de style arnaque aux sentiments.
- Les hommes qui partent du fait que l'échec de leur vie est causé par une femme.
Brol
()
Je ne connais pas, mais le résumé et ton avis m'ont donné envie de l'acheter et à l'occasion de le lire. Mais, j'ai tout de même peur d'être trop "impactée" émotionnellement par ce livre, et qu'il me hante l'esprit pendant quelques temps. Je suis mitigée pour cela.
Babiole
()
Des retours que j'ai pu avoir. Le lectorat féminin est assez mitigé. Pour certaines, c'est plus de 600 pages pour ne rien dire et pour d'autres, c'est un message de rappel. Je crois que chaque personne se fera son avis personnel.
Barda
()
Merci pour ton retour, Moleskine :)
Machin
()
Ça me tente bien, mais j'ai trop de choses à lire :')
Fourbi
()

Merci Moleskine pour ce bel exposé.

Tu en parles bien et il y a quelques points séduisants qui m'interpellent. Notamment la plume de l'autrice dont tu vantes la qualité; le côté "toile sociale", l'ambiance et l'environnement qui me paraissent aussi troubles qu'oppressants, la description des paysages froids; les rencontres, les personnages, etc.

Pas mal de choses sont donc susceptibles de me parler, sauf le thème. De plus, le parti pris de ne dresser que des personnages masculins vicieux me freinent énormément. Et le côté "portraits de femmes fortes", c'est un truc qui me rebute un peu. Enfin, ce n'est pas tant les portraits en soit, que le fait que ce soit le "leitmotiv" du livre.

;)
Accessoire
()
Très bien résumé...Mon avis personnel, encore et toujours cibler un homme, narcissique...Banal ,désormais et tellement prévisible qu'il devient presque "victime " 😄
Objet
()
Les femmes prennent assez cher dans l'histoire. Par là, j'entends qu'elles sont littéralement fracturées et j'ai trouvé que nous étions loin des personnages clichés, mais plus près des femmes que j'ai pu croiser dans le milieu de la précarité où j'ai bossé.
Fourbi
()
Je suis assez choquée les filles ! De ce que je lis, il n'est pas question d'hommes vicieux mais d'hommes violents qui devraient se trouver en prison.
Il n'est pas besoin d'avoir un trouble de la personnalité narcissique pour humilier et violer, c'est un résumé un peu rapide.

En tout cas merci Moleskine pour ce partage.
Gadget
()
#60988 :

Choquée ?

Moleskine a pourtant pris soin d'utiliser différents adjectifs pour qualifier les hommes il me semble, non ?

Il faut entendre "vicieux" comme un trait commun des comportements décrits. De mon point de vue, le mensonge et la manipulation impliquent la notion de vice. Ça me paraît compréhensible donc je ne m'étalerais pas dessus.

Enfin, le choix de parler d'hommes "vicieux" ne nie et n'exclu aucunement la violence, c'est toi qui fait des raccourcis ou des suppositions, avec ce biais quelque peu moraliste. Et je ne vois pas trop le problème et encore moins la contradiction.

Enfin, il me semble avoir pris le temps d'étayer ce qui pouvait potentiellement me plaire dans le roman, et puis c'est mon choix de ne pas avoir d'attrait pour certaines thématiques d'autant plus quand il relève du roman fictif.



Bidule
()
#60989 :

Pourquoi je te sens sur la défensive ?

Le mensonge et la trahison sont des vices, abuser d'une femme, c'est un crime. Tu peux me trouver moralisatrice autant que tu le souhaites, peu m'importe. Minimiser la souffrance ou minimiser la responsabilité de la personne nommée bourreau est quelque chose qui m'insupporte.

Je me fous royalement que tu lises le livre fictif ou non mais oui je suis choquée. Parce qu'on dépeint une réalité qui ressemble à celle de beaucoup de femmes ne rend pas les hommes victimes pour autant ou juste vicieux. Ce discours est puant et dangereux.
Fourbi
()
#60990 :

Je me répète mais dans quelle mesure le vice nie et exclu la violence ? Ça c'est toi qui le dit.

Tu comprends que ce que tu as envie de comprendre. Je pense que tout le monde a saisi qu'il était question de violence hein, tu fais juste des procès d'intention parce que j'ai employé un terme qui ne te conviens pas.

Je ne crois pas que ça vaille le coup d'aller plus loin dans nos échanges.

Bonne journée





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