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Profil - Le Choeur des femmes

Posté par Outil le 09/03/2023 pour le secteur LIRE
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[Epitomé]

"Je m’appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m’oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de «Médecine de La Femme», dirigée par un barbu mal dégrossi qui n’est même pas gynécologue, mais généraliste! S’il s’imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu’est-ce qu’il croit? Qu’il va m’enseigner mon métier? J’ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas - et je ne veux pas - perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur coeur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu’elles pourraient m’apprendre"

[Avis]

Voici un roman qui m’aura fait une très bonne impression. Tout simplement parce qu’en tant qu’homme, je n’étais pas au courant de tout ce qui se tramait dans le corps des femmes. Toute l’histoire m’a montré que les femmes n’étaient pas écoutées, qu’elles n’étaient pas soutenues, pire encore qu’elles étaient jugées, salies et souillées par le corps médical qui oscille entre bourreau et sauveur en passant par la case docteur.

Le choeur des femmes, c’est aussi une question identitaire. Une question inter-sexe encore trop souvent taboue où dans nos contrées, il faut impérativement être un homme ou une femme. Sans possibilité d’un entre deux. Une violence implacable dans le seul but de promouvoir une avancées scientifique en maltraitant des enfants à peine nés. L’empathie est partie au fur des années d’apprentissage de la médecine.

Et dans son monde médical, il y a toutes sortes d’interrogations diverses et variées de la part des personnages. Des jugements de valeurs qui se heurtent, des interrogations qui se frôlent, se bousculent et se cognent dans le corps et le coeur des femmes. le monde soignant soigne t-il ou bien fait-il semblant de soigner ? La violence institutionnelle envers les femmes soulève bien des questions. Faut-il brutaliser les femmes pour être le meilleur médecin ? Le titre de docteur fait-il tout.

Toute l’histoire met en avant des témoignages, certes parfois longs, des logorrhées de mots, des peurs, des non-dits, des angoisses, des douleurs sur des maux que l’on ne panse pas, car on ne le pense pas. On ne les pense pas. La violence faite aux femmes ne semble pas s’arrêter. Elle est agglutinées partout, dans tous les recoins. On parle souvent de bienveillance, mais on parle peu de bientraitance.

Un livre à balancer à la tronche des hommes qui ne veulent rien savoir. Un livre qui mérite d’être lu.

[Citations]

■ "Les livres de médecine ne parlent pas des douleurs provoquées par les gestes des médecins. Et beaucoup de médecins pensent que si c’est pour le bien des patientes, la douleur est justifiée. Aucune douleur n’est justifiée. Jamais."

■ "Aujourd’hui, pourtant, lorsqu’elles sont enceintes ou ne désirent pas l’être, lorsqu’elle veulent pratiquer un dépistage du cancer du col ou faire soigner un symptôme gynécologique, les femmes sont encore systématiquement contraintes de s’allonger sur le dos, cuisses écartées, sexe exposé, dans une position humiliante imposée par les médecins sans aucune nécessité médicale.
La posture dite "à l’anglaise" (sur le côté, ou "en décubitus latéral") permet tous les gestes gynécologiques courants ; elle permet également de procéder à des accouchements en toute sécurité, si la femme le désire ; dans de nombreux pays du monde, c’est dans cette position que les femmes sont examinées, soignées ou accouchées. Et dans cette même position, elles peuvent choisir de voir, ou non, ce que les médecins leur font.
Nous exigeons que les médecins français proposent à toutes leurs patientes d’adopter, si elles le désirent, le décubitus latéral, en lieu et place de la position gynécologique machiste et archaïque qui leur est encore imposée en ce début de XXIe siècle.

■ En chacun de nous sommeille un bourreau. Le tien, tu es sûr qu’il dort ?

■ Pourquoi tous les médecins à qui j’ai demandé une ligature des trompes, avant vous, m’ont-ils traitée comme une psychotique ou une débile profonde ? Je ne VEUX PAS d’enfant. Et je ne comprends pas leur logique à la con qui consiste à dire : "Ah, mais c’est irréversible, réfléchissez-bien, vous pourriez le regretter."Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Quand on fait un enfant, c’est irréversible aussi, non ? En quoi décider de ne jamais en avoir, ça serait plus grave ou plus irréversible que le fait d’en avoir un ou trois ou huit ?

■ Je suis juste... une pute. Une pute de quatorze ans. Pourquoi ? Pouvez pas comprendre... Et si je vous le dis vous préviendrez les flics et là... Non, j’ai rien fait de mal. Enfin, si. Enfin, non. Moi, je voulais pas. J’ai jamais voulu. Mais je n’avais pas le choix. Quand ça a commencé, je ne comprenais pas ce qu’il faisait. J’avais dix ans. Je l’aimais bien. Il avait toujours été gentil avec moi. Il avait toujours vécu seul, et forcément, il était tout le temps fourré à la maison, parce que ma mère l’aime beaucoup, c’est normal, c’est son petit frère, son petit chéri, ils ont grandi ensemble, quand ils étaient gamins c’était vraiment pas marrant et toute petite déjà elle s’occupait de lui, alors elle a continué et pour nous c’était naturel qu’il soit toujours là (...) Et toutes petites, il nous gardait souvent ma soeur et moi quand mes parents sortaient avec des amis. Lui, il était gentil, il nous faisait à manger, il nous lisait des histoires. Alors la première fois... la première fois qu’il est venu dans ma chambre... (...)
Ca a duré longtemps. Quatre ans. Presque un tiers de ma vie quand j’y pense.
Il me disait qu’il ne fallait pas que j’en parle à ma mère, mais il n’avait pas besoin de me le dire. Je n’aurais pas pu lui en parler. J’avais trop peur qu’elle me traite encore de pute. Qu’elle me dise que j’étais une salope d’accuser ainsi son petit frère, son petit chéri, qu’elle élevait déjà quand elle était petite fille.

■ - Je crois qu’avant de toucher au corps d’un individu, il faut mûrement réfléchir aux conséquences, mais malheureusement, trop de chirurgiens coupent d’abord et réfléchissent ensuite.
- C’est vrai pour tous les actes chirurgicaux, non ?
- Oui, mais les conséquences d’une appendicectomie superflue sont moins lourdes que celle d’un néovagin chez un nourrisson.
Selon les critères, on estime que la fréquence des nouveaux-nés ayant des organes génitaux "non conformes aux canons" se situe entre un pour mille et deux pour cent ... sans que ça menace leur vie dans l’immédiat.
Mais beaucoup trop de pédiatres et de chirurgiens sont pressés de "normaliser" la situation sans consulter les premiers intéressés.
- On ne peut tout de même pas demander l’avis d’un nourrisson ...
- Non, mais on peut informer les parents sans leur mettre le scalpel sous la gorge et leur dire qu’il est possible d’attendre que leur enfant soit assez grand pour exprimer un avis. Il ne restera pas nourrisson éternellement.
On n’exige pas des enfants prépubères qu’ils expriment ce que seront leurs préférences sexuelles.
Alors, de la même manière, je pense qu’il n’est pas scandaleux d’attendre la puberté pour laisser les enfants intersexués exprimer ce qu’ils veulent faire de leur corps.

4 commentaires
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J'avais été marquée par ce livre - l'histoire parallèle de l'héroïn ne m'avait pas tellement enchantée mais j'avais trouvé l'ensemble global tout à fait passionnant.
Du coup ça me donne envie de le relire ! :D
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Dans ma pile à lire. Je l'avais déjà réservé une fois à la bib mais j'ai été découragée par le nombre de pages. Ce que tu en dis ici m'indique qu'il faut vraiment que je le lise, et que ça compléterait bien la formation que j'ai suivi avec l'assoc Genres pluriels il y a quelques mois sur certains points (j'y avais appris que certains chirurgiens de l'hôpital des enfants reine fabiola à Bxl se vantaient de couper tout ce qui dépassait chez des enfants intersexe, ce qui est condamnable puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'une forme de mutilation genitale au meme titre que l'excision)
Appareil
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Je sais qu'il faut que je le lise, en graphique ou en roman.
Très belle chronique Moleskine !
Ustensile
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Bel article qui expose bien mon souvenir de ce livre.

Comme 17805, je n'avais pas été transcendé par l'histoire personnelle de l'héroïne. Mais bien plus intéressée par ces relations docteurs-patients
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