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Profil - L’âme de Kôtarô contemplait la mer

Posté par Outil le 26/02/2023 pour le secteur LIRE
🌍 Article public ⸱ 90 lecteurs récemment



[Epitomé]

"Un jour, la rumeur s’est répandue qu’on entendait le chant d’une femme sur l’îlot-cimetière. L’endroit suscitait régulièrement ce genre d’histoires venues d’on ne sait où. » Dans ces six nouvelles, la légende est comme un recours en grâce face à l’étrangeté parfois monstrueuse du monde. Ainsi les sanctuaires des forêts sacrées vibrent des danses et des invocations des prêtresses kaminchu, simples paysannes frappées du don de double vue. L’enfant un peu attardé et rêveur voit sans effroi ce que les autres ignorent, car les âmes des disparus n’apparaissent qu’aux coeurs simples. Et les esprits qui circulent autour de nous deviennent très loquaces dès qu’un vivant les distingue, car c’est leur mémoire trop lourde qui les attache au monde. L’univers de Medoruma Shun tient son pouvoir d’envoûtement de la synthèse lumineuse entre son enfance dans le très singulier Japon d’Okinawa et un fonds de traditions et de croyances toujours vivaces. Traduit pour la première fois en français à la découverte d’Okinawa, comme un autre Japon sous les Tropiques regard de l’enfance, mêlant intime et fantastique".

[Avis]

J’ai découvert ce roman de nouvelles au détour d’un rayonnage d’une des bibliothèque de mon quartier et le titre m’a interpellé. Je crois que littéralement ce livre m’a appelé à lui. Il s’agit d’un roman de six nouvelles qui se déroulent à Okinawa, j’ai aimé le coté historique incorporé qui lie les six protagonistes principaux de chaque nouvelle. Ce fût un de mes coups de coeur de l’année 2022. Si bien que le livre a rejoint mes rayonnages.

Et en parlant des nouvelles et bien parlons-en. Je les ai trouvées à la fois mystérieuses, oniriques comme le savent le faire les auteurs japonais et à la fois ancrée dans la réalité de l’histoire, le tout mélangé d’un soupçons de fantastiques. Ici, nous n’avons pas six personnages qui vont se croiser. Non, nous avons six personnages avec six tranches de vie qui nous content leurs particularités, l’effet de la vie et les cycles de ceux-ci dans lequel se trouve le deuil, la perte, la violence de soi et des autres, la culpabilité ainsi que la nostalgie de quelque chose de passé. Des états et des émois à vif sous un écrin de coton. La violence est sans ambages et est malgré tout écrite d’une manière neutre sans complaisance. L’omniprésence de quelque chose qui n’est plus avec une fixation sur la perte. Aucune des six nouvelles n’échappe à cela. Implacable.

Ce roman m’a littéralement fait une très forte impression que même une semaine après l’avoir vu, j’ai toujours cette sensation de flotter au dessus de la mer comme une âme en déroute. J’ai carrément aimé le style de l’auteur qui nous plonge dans son état semi-personnel.

[Extraits]

■ "Quand je ferme les yeux, ce qui me revient en mémoire, c’est l’odeur de la pluie en été. Les gouttes d’eau qui tombaient sur le bitume brûlant s’évaporaient en une brume dansante. A l’abri de la pluie sous l’auvent de l’épicerie du village, ma mère debout derrière moi, sa main posée sur mon épaule, le petit garçon que j’étais regardait l’image vacillante du chemin que nous allions prendre. La pluie et les rayons de soleil perçaient la fine couche de nuages. Les plants de canne à sucre chancelaient sous les gouttes et le chemin goudronné s’étirait au milieu comme un cours d’eau sombre".

■ "Récemment, j’ai lu dans le journal que plus de la moitié des lycéens d’Okinawa sont incapables de donner la date exacte de la rétrocession d’Okinawa au Japon. Ces lycéens ignorent sans doute aussi qu’Okinawa a été administré par les Etats-Unis pendant vingt-sept ans, et qu’autant d’années se seront bientôt écoulées depuis la rétrocession. C’est ainsi, on y peut rien".

■ "Un claquement sonore a soudain fendu l’air. Des dizaines de hérons, d’aigrettes et de pluviers s’envolèrent, s’égaillant en tous sens. Nous sommes restés immobiles, regardant les pluviers raser l’eau en piaillant et la nuée de hérons s’éloigner dans le ciel d’un bleu moins intense. Les hérons se sont posés dans un bois de pins et d’acacias sur l’autre rive, à quelques dizaines de mètres, on aurait dit des fleurs de datura qui s’ouvraient".

[Références]

L’âme de Kôtarô contemplait la mer. Shun Medoruma. Traduit du japonais par Dartois-Ako, Véronique Perrin et Corinne Quentin. Littérature japonaise. Edition Zulma. 2014. 280 pages. ISBN : 9782843046742. Prix 23 euros.

[Crédit photo]
© Les éditions Zulma

7 commentaires
Ustensile
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Voilà qui donne envie ! (mais la littérature japonaise donne toujours envie lorsqu’elle est présentée de la sorte... )
Bidule
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Ça m’a l’air très sympa, très apaisant :)
Accessoire
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@126555

Hum pas trop en fait. C’est assez chaud parfois.
Truc
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"Apaisant" ?
Avec un donde double vue et des fantômes. C’est pas le premier mot qui me vient moi.

Les nouvelles ont des styles d’écritures différentes ou pas ? (Ex:l’une plus contemplative, l’autre stressante...)
Brol
()
Merci pour la découverte, je mets de côté !

C’est marrant parce que par le passé j’avais aussi découvert un auteur japonais écrivant des nouvelles, pas exactement du même style, plus dans du polar, et j’avais beaucoup apprécié sa plume. En revanche, impossible de retrouver le nom de tête, il faudra que je reparcoure ma bibliothèque une fois rentrée.
Brol
()
@72519

Seul le personnage de Kôtarô est contemplatif et en lisant la première nouvelle (qui est le titre du livre) on comprend pourquoi il l’est. Mais ce n’est absolument pas de la littérature contemplative comme j’en montre souvent, même si on y trouve des fragments dans les passages souvenirs des personnages. Ici, c’est publié par les éditions Zulma et cela change un peu de la ligne éditoriale des éditions Picquier.
Fourbi
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Merci pour les précisions.
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