Profil - La mort du soleil
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[Épitomé]
Dans un petit village, Li Niannian, un adolescent stupide et grand lecteur des romans de son voisin Yan Lianke, supplie les esprits de lui venir en aide : en plein été, les hommes ont en effet sombré dans une épidémie de sommanbulisme. C’est un cauchemar que raconte Li Niannian, une nuit carnavalesque oubliée du temps. Une nuit durant laquelle les hommes transgressent tout : la morale, le bon sens, les codes, l’histoire. Faut-il voir ce monde insensé comme une allégorie de la réalité ? Un monde plongé dans une obscurité telle que l’humanité en perd ses repères fondamentaux ?
[Avis]
Suis-je en train de dormir ou bien rêvais-je ? On eût dit que quelque chose me poussait à rédiger mon avis à une heure tardive. Suis-je en train d’être atteint d’une crise de somnambulisme ?
Je ne le sais pas, mais ce que je sais, par contre, est que j’ai beaucoup aimé cette histoire. Il y a beaucoup de choses à propos de l’histoire de la Chine dont l’auteur fait référence de manière allégorique qui m’ont échappé, mais cela n’a en rien entravé l’histoire, sauf ma compréhension de certaines points de nature historique.
Tout d’abord cette histoire m’a fait penser à la chanson : La nuit te ressemble de Jo Lemaire.
Maintenant que j’ai cessé de soliloquer textuellement, je vais arriver à l’histoire et cette histoire nous plonge dans une nuit sans fin, une nuit noire, une nuit froide, une nuit où tous les chats sont gris et animés de mauvaises intentions, mais cette nuit symbole du mystère et du caché est ourlée de diverses confessions qui mènent, parfois, à la pendaison. Tout cela m’a fait régulièrement penser au principe de l’inconscient et ce somnambulisme à une représentation du Ça de Freud. Mais cela est purement mon avis personnel.
Et dans cette nuit qui n’en finit pas comme l’a si bien écrit Agatha Christie, c’est un bourg tout entier qui sombre dans une crise de folie, une crise où les gens aveuglés par la disparition du soleil finissent par ouvrir les digues qui contenaient les réservoirs de leurs pulsions. Tout y passe et tout y trépasse. Viols, meurtres, vols, confessions intimes et chacun y livre ses plus terribles secrets sous l’oeil froid de la nuit qui observe en silence que tout soit bien conforme, que tout rentre dans l’ordre établi. Mais ce village perdu en plein milieu du Pays du Milieu, nous montre aussi que l’orgueil précède la chute, mais également que le combat des différentes classes sociales reste toujours d’actualité. Le personnage principal que l’on qualifie d’idiot est pour moi, une belle interprétation des lanceurs d’alertes d’aujourd’hui. Les premiers à payer les pots cassés pour avoir ré-veillé leur peuple endormi ou plongé dans l’illusion d’un rêve sans fin.
Certains éléments de l’histoire m’ont fait penser à des événements comme l’Homme de Tian’anmen ou la révolution chinoise. L’auteur en fait des passages symboliques et en parlant d’auteur, j’ai vraiment apprécié que celui-ci en devienne un personnage de son propre livre. D’ailleurs le fait que celui-ci ne parvienne plus à écrire fait clairement référence à la censure qu’il subit dans son pays. Il y a pas mal de références à ses précédents ouvrages qu’il me tarde de découvrir. Être lettré n’empêche pas de se faire censurer. Bien que certaines références m’ont échappé, j’ai vraiment beaucoup apprécié cette histoire, car il y a un passage qui fait que le lecteur devient lui aussi un personnage du livre. C’est un pouvoir hypnotique de la nuit auquel on ne peut échapper. Si profond et si grand que le déni en est flagrant. Tout emporté, tout consumé. Ne jamais plus se réveiller.
Si vous pensez qu’après avoir lu cette tartine vous allez vous endormir, je vous conseille de boire un thé glacé et de vous rafraîchir avec une serviette. Si, si
[Extraits]
■ "Il est plus célèbre que notre chef de bourg, plus célèbre que notre chef de district. Sa renommée est si grande que l’on pourrait le comparer à une pastèque dans un champ de sésame, à un chameau mené paître au milieu des moutons
".
"Quant à moi, je suis aussi méconnu qu’un grain de poussière dans un champ de sésame.
"
"Ma vie ressemble à celle des poux et des lentes sur le dos des bœufs et des chameaux.
"
■ "- Papa, si je deviens somnambule, à ton avis qu’est ce que je ferai ?
"
"- Tu feras ce à quoi tu penses à ce moment là.
"
"- Je pense à lire.
"
"- Alors tu liras en rêvant.
"
■ "Tout était très calme - un calme de mort.
"
"Un calme de mort - un très grand calme.
"
■ "Presque dans chaque famille, s’il n’y a pas eu de mort, il y a eu des blessés. Pas un foyer n’a échappé au vol et à la violence. Chaque famille a eu ses somnambules et ses fauteurs de trouble.
"
[Références]
La Mort du soleil - Yan Lianke - Littérature chinoise - Traduit par Guilbaud Brigitte - ISBN - 13 : 978-2-8097-1463-0 - Février 2020 - Nombre de pages : 400 - Prix : 22,50 - Disponible également au format poche
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[Sources et crédit photo]
Edition Picquier
Ma question est la suivante : Le style du livre s'approche t-il de la description que tu en fait? Le coté "nébuleux" ne me rebute pas, mais comme tu évoque des références a la culture chinoises qui t'auraient échappées, j'ai bien peur que ces dernières me soient également inconnues.
En tout cas, tu as éveillé mon intérêt. merci!